L’insouciance de la jeunesse

 

Quand j’étais plus jeune (comprendre insouciante), j’avoue que je portais un regard assez dubitatif sur cette journée des droits de la femme et son intérêt. Pour moi, c’était ok, on pouvait conduire, on pouvait voter, on pouvait travailler, et je portais un jean, faisais du skate et pouvais jouer à musclor plutôt qu’aux barbies sans que ça ne gêne personne. Il n’y avait donc pas de sujet pour cette journée que du coup, je percevais comme obsolète, inutile et d’un autre temps. Alors que à la télé, on avait le choix entre une pub où une fille en maillot de bain vantait aux hommes les mérites d’une voiture et une autre où la femme au foyer galérait à nettoyer son four, outils essentiel pour rôtir comme il se doit le poulet du dimanche midi (merci decap four), j’’avais par contre complètement intégré être un garçon manqué sans avoir mesuré la portée de cette expression. Et puis, j’ai grandi, cherché du travail, ai été obligée de porter une mini jupe pour servir dans un fast food (hyper pratique!), j’ai été embauché dans la banque avec un salaire de 50 € inférieur à celui de 2 hommes embauchés en même temps que moi, 4 ans plus jeunes et moins expérimentés, sans qu’on ne puisse me le justifier autrement que “c’est comme ça” et là, j’ai commencé à me dire que peut-être, tout n’était pas encore gagné.

Ca se corse !

Après la banque, j’ai crée mon entreprise que j’ai réussi à faire tourner assez rapidement, et en ai été fière. C’est à la fin de la deuxième saison, où la croissance de ma petite entreprise avait dépassé mes espoirs et que tous les voyants étaient au vert, que nous avons du déscolariser Cléo et que j’ai assisté, après avoir obtenu les diagnostics, à la première commission de la CDAPH et que, le plus naturellement possible, on m’a demandé de manière totalement rhétorique “et donc, Madame, vous allez vous arrêter de travailler ?” Cette phrase est restée gravée dans ma mémoire. Cela leur semblait logique et être la seule issue, que, en tant que mère, je mette un terme à ma carrière pour m’occuper de ma fille, et compenser les carences d’un système très largement imparfait. J’aurais donc du lui faire endosser mon amertume et ma frustration, ainsi que l’échec de mon entreprise. J’aurais donc du renoncer à la fierté de l’entrepreneuse et tout simplement à être épanouie par mon travail, et ne plus viser que l’alimentaire et donc, sabrer littéralement toute chance de progresser et d’avoir un semblant de stimulation intellectuelle (j’exagère, la MDPH et les différentes institutions se chargent de challenger nos neurones !).

J’aurais donc dû également renoncer à toute perspective d’avoir un jour un revenu confortable et me contenter des allocations et du salaire de mon mari. J’aurai donc également dû renoncer à financer pour ma fille des soins qui ne sont pris en charge ni par la sécurité sociale, ni par la MDPH au motif qu’ils ne sont pas reconnus par la haute autorité de santé. Renoncer aussi à mes rêves de vies confortables pour elle et moi (et pour son papa – of course – ne l’oublions pas, mais on en parlera demain, ce n’est pas sa journée) et adoucies par des escapades surprise décidées sur un coup de tête, des loisirs pas essentiels mais tellement bons, et des cadeaux “superflus” mais pas tant que ça.

Une autre voie

 J’ai spontanement répondu qu’il n’en était pas question et depuis, ai traversé de nombreuses épreuves, dont j’aurais volontiers fait l’économie, mais hautement instructives et qui m’ont forgées. Plus que jamais, je suis persuadée que la vie d’entrepreneuse est faite pour nous, les mamans d’enfants qu’on appelle sobrement “à besoins particuliers”. J’employais récemment l’expression d’une entreprise “sur vérins hydrauliques”, conçue pour s’adapter à nos tempêtes et nos séismes de maman d’atypiques. Je trouve cette expression très parlante.

Mais se lancer n’est pas simple, et tenir dans le temps l’est encore moins, mais comme pour nos enfants, nos victoires n’en sont que plus belles.

Je suis fière et heureuse aujourd’hui d’avoir tenu bon dans ces tempêtes et d’avoir fait ce choix de l’entreprenariat. Enthousiaste et fière aujourd’hui d’accompagner et de transmettre tout ce que j’ai durant ces années pu glâner à des mamans ayant elle aussi envie de sauter le pas et  inventer leur propre solutions !

Alors osez ! Osez essayer. Osez vous planter. Osez recommencer. Oser vous lancer !